Donner accès aux archives de la Société des Nations :
la description archivistique
Alex Renault
Notre collègue Ana saisissant les métadonnées d’un dossier concernant
le don de la Fondation Rockefeller à la Bibliothèque de la SdN.
Image extraite du documentaire LONTAD
Une fois les archives nettoyées, scannées et contrôlées, l’équipe post-numérisation de LONTAD se charge de décrire les archives. Cette tâche consiste à assigner des métadonnées (titre, dates, type de document, etc.) à chaque dossier nouvellement scanné, afin notamment de les rendre facilement accessibles à tous via le catalogue AtoM. C’est ce qu’on appelle la description archivistique, ou encore la saisie des métadonnées. Pour ce faire les archivistes de LONTAD disposent de nombreux outils, tels que la norme de description internationale ISAD(G) ou encore le Répertoire Général, un instrument de recherche qui décrit déjà la plupart des archives de la Société des Nations (SdN).
Différents types d’archives : Registry et Section Files
Les archives de la SdN se divisent essentiellement en deux catégories : les archives du Registry d’une part et les Section Files d’autre part. La première rassemble les dossiers constitués par le Service d’enregistrement (« Registry ») de toute la correspondance interne et externe du Secrétariat. Ces documents sont généralement rassemblés dans des chemises papiers au format spécifique, dont la couverture contient la plupart des informations cruciales pour la saisie des métadonnées : numéro d’identification (Reference Code), titre, dates, etc. Certaines de ces informations, notamment les titres, sont généralement manuscrites, ce qui oblige parfois les archivistes à faire un délicat travail de déchiffrage ! Toutefois, une fois cet obstacle levé, la description de ces dossiers s’avère donc relativement aisée.
Les Section Files rassemblent… tout le reste ! C’est-à-dire l’ensemble des archives n’ayant pas été traitées par le service du Registry. Il s’agit typiquement, mais pas uniquement, d’archives collectées suite au déménagement d’un bureau ou lors du départ d’un représentant de la SdN dont les archives personnelles ont une valeur remarquable (chef de Section, délégué, etc.). Les Section Files rassemblent également les documents de travail de certaines sections de la SdN, tels que ceux collectés en vue de la publication de rapports ou de tout autre document officiel. A l’inverse des Registry files, la description de ces dossiers s’avère parfois délicate, notamment de par la densité (jusqu’à 2'000 pages pour certains dossiers de la Section Santé !) et de par la variété des documents rassemblés. La description de ces documents nécessite donc un travail de synthèse et d’analyse chronophage pour les archivistes de LONTAD. Heureusement, ces derniers disposent de nombreux outils pour les aider dans leur travail.
Capture d’écran de la couverture d’un dossier du Registry « classique ».
Pouvez-vous déchiffrer cette écriture ? Source : dossier R1452/28/7985/7435
Un seul standard : la norme ISAD(G)
La norme ISAD(G), pour International Standard Archival Description (General), est un ensemble de règles élaborées par le Conseil international des archives afin d’harmoniser les pratiques de description archivistique sur la base de quelques principes simples. Connue et utilisée par de nombreux archivistes à travers le monde et par ceux de LONTAD, elle liste notamment 26 éléments de description permettant de décrire n’importe quelle archive. 7 de ces éléments sont obligatoires : identifiant, titre, date, niveau de description (quèsaco ? on y vient !), importance matérielle et nom du créateur de l’archive. Chacun de ces éléments est donc systématiquement renseigné par les équipes de LONTAD pour chaque dossier, ainsi que la ou les langues des documents qu’il contient, une courte description de leur contenu (uniquement pour les Section Files) ainsi que la date de description.
L’autre élément crucial définit par la norme ISAD(G) est la hiérarchisation des archives selon des niveaux de description spécifiques, soit par ordre d’importance : fonds, séries, dossiers et pièces (fonds et séries pouvant être divisés en sous-catégories). Pour illustrer cette hiérarchisation, prenons l’exemple d’un dossier de la Section Politique rassemblant la correspondance relative à l’adhésion de l’Islande à la SdN. Ce dossier appartient à la Série "Admissions à la SdN", qui est rattachée au Sous-fonds "Section Politique", lui-même intégré au Fonds "Secrétariat de la SdN". La norme précise enfin qu’il est impératif de décrire chacun de ces niveaux et de toujours les lier entre eux sans que l’information ne se répète.
Capture d’écran de la vue hiérarchique dans Atom.
On y distingue clairement les différents niveaux de description indiqués entre crochets
Le répertoire général, outil précieux mais imparfait
Comme dit en introduction, la plupart des archives de la SdN sont décrites dans le Répertoire général. Ce document d’environ 1'000 pages est une sorte de guide organisé en chapitres correspondants aux différentes sections du Secrétariat. Après une courte description générale des archives de ces sections, le Répertoire dresse une liste plus ou moins détaillée de ces archives qui contient leurs identifiants (ou cote), la date, le titre et le numéro de boîte dans laquelle elles se trouvent. Le Répertoire est donc un outil indispensable pour les chercheurs et pour les archivistes de LONTAD. Il a cependant pour défaut majeur de ne pas lister les dossiers de manière systématique, et son niveau de détail ne correspond pas aux standards exigés par la norme ISAD(G) que nous avons évoquée. Un des objectifs de LONTAD est donc de reprendre l’ensemble des dossiers nouvellement numérisés et de s’assurer que chacun d’entre eux est correctement décrit. On estime qu’environ 500'000 dossiers seront numérisés dans le cadre du projet LONTAD, soit près de 3 millions d’éléments de description qui seront vérifiés ou ajoutés par les archivistes du projet !
La saisie des métadonnées est donc une étape cruciale du projet LONTAD. D’abord car ces métadonnées seront la clé d’accès principale aux archives de la SdN pour tous les publics concernés - chercheurs, diplomates, grand public - qui pourront les utiliser afin de s’orienter parmi la masse de documents numérisés. Par ailleurs les métadonnées sont un outil indispensable pour garantir la conservation pérenne des archives numérisées, car elles constituent des données textuelles faciles à conserver et à transmettre à très long terme, à l’inverse des images dont les formats évoluent rapidement. Le projet LONTAD apporte par ailleurs des solutions concrètes à ce défi de la préservation numérique, mais cela fera l’objet d’un autre article !
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