Skip to Main Content
Research Guides United Nations Office at Geneva Library & Archives

Audio Guide: The Next Page - Transcripts

Welcome to the UN Library and Archives Geneva's Audio Research Guide! Here you'll find episodes from our own podcast, The Next Page, as well as podcasts and audio from or on the UN system and multilateralism.

48: Andrea Bellini sur le rôle de l’art dans le multilatéralisme et le dialogue interculturel

by Tiffany Xiang Verga on 2021-10-07T11:53:07+02:00 | 0 Comments

 

Kelly Le Normand : Bonjour, mon nom est Kelly Le Normand et bienvenue dans ce nouvel épisode de The Next Page, le podcast de la Bibliothèque et Archives des Nations Unies à Genève.  

  

- JINGLE - 

  

Kelly Le Normand : Dans cet épisode, j'accueille Andrea Bellini pour parler du rôle de l'art dans la fabrique du multilatéralisme et de son expérience de la Genève internationale. Andrea Bellini est directeur du Centre d'Art Contemporain Genève, où nous le retrouvons aujourd'hui. Il nous propose dans cet épisode de réfléchir au rôle de l'art dans la transformation du monde et je vous avouerais que cette conversation a profondément changé ma perception de l'art et de son impact sur la société. Vous trouverez des liens vers le Centre d'Art Contemporain Genève dans la description du podcast. J'espère que vous aurez autant de plaisir à écouter cet épisode que j'en ai eu à l'enregistrer. 

 

- JINGLE - 

 

Kelly Le Normand : Andrea Bellini, bonjour ! C'est un plaisir pour The Next Page, le podcast de la Bibliothèque et Archives des Nations Unies à Genève de vous retrouver aujourd'hui au Centre d'Art Contemporain Genève, que vous dirigez depuis 2012. Votre parcours est très riche puisqu'il vous a amené de New York à Genève en passant par Turin. Pourriez-vous vous présenter, ainsi que le Centre d'Art Contemporain Genève à nos auditeurs ? 

  

Andrea Bellini : Bonjour. Je suis Andrea Bellini, donc le directeur du Centre d'Art Contemporain. Pour me présenter, oui, j'ai étudié la philosophie donc j'ai un diplôme en philosophie. Après j'ai étudié histoire de l'art et archéologie. J'ai travaillé plusieurs années à New York comme rédacteur en chef de Flash Art, un magazine d'art contemporain et après j’ai aussi travaillé au PS1 MoMA comme curateur. En 2007, je suis revenu en Europe pour travailler à Turin comme directeur de la foire Artissima, donc j'ai travaillé 3 ans comme directeur de la foire.   

Après j'ai été nommé co-directeur du Castello di Rivoli à Turin, le plus grand musée d'art contemporain d'Italie et le premier, de toute façon, parce qu'il a été créé en 1984. Et en 2012, j'ai été nommé directeur du Centre d'Art Contemporain à Genève, donc je suis là. Je suis aussi directeur de la Biennale de l’Image en Mouvement qui est une Biennale dédiée à la vidéo art, au cinéma aussi, de jeunes de metteurs en scène, des vidéos d’artistes et voilà que je dirige depuis 2012. 

  

Kelly Le Normand : Et donc, le centre d'art, c'est un centre d'art et ce n'est pas un musée. Vous pouvez nous expliquer un peu quelle est la différence ? 

  

Andrea Bellini : Oui, tout à fait ! Donc un musée d'art contemporain a une collection, ça, c'est la grande différence. Une Kunsthalle, c'est à dire, un centre d'art contemporain n’a pas de collection. Donc il s'agit de deux différents types d’institutions. D’ailleurs, il y a un musée d'art contemporain et un centre d'art, une Kunsthalle, plus ou moins partout en Europe, aussi aux États Unis, et cetera, c'est assez classique comme division des rôles.

Un musée d'art contemporain a comme mission de collectionner aussi des artistes contemporains, des artistes qui travaillent aujourd'hui. Donc, construire une collection, construire aussi une personnalité, une identité de l'institution liée à sa propre collection. Par contre, une Kunsthalle, un centre d'art contemporain, n’a pas du tout une collection et travaille avec des artistes, en général, plus jeunes et produit aussi pas mal d’œuvres d'art.   

Le Centre d'art Contemporain à Genève a comme mission de produire avec les artistes des œuvres d'art inédites, donc on le fait avec la Biennale de l’Image en Mouvement. Mais on le fait aussi à l'occasion des expositions, surtout des expositions personnelles, et qu’on dédit à des artistes d’aujourd’hui.

  

Kelly Le Normand : Le Centre d'Art Contemporain Genève et les Nations Unies ont collaboré à plusieurs reprises par le passé grâce à Adelina von Fürstenberg, qui était la fondatrice - et première directrice du Centre - vous pourriez nous en parler et nous expliquer aussi de quelle manière le Centre continue de puiser dans cet héritage? 

  

Andrea Bellini: Oui, Adelina von Fürstenberg a créé le Centre d'Art Contemporain en 1974. Et ça, c'est le petit aspect original du Centre d'Art Contemporain en Suisse parce que, surtout dans la Suisse alémanique... Je pense à Berne, je pense à Bâle. Les Kunsthallen ont été créées par des associations d'artistes locaux. Et le Centres d'Art Contemporain, par contre, elle, je crois, est la seule institution de ce type en Suisse qui a été créée par une jeune femme qui a été Adelina von Fürstenberg. C'est Adelina von Fürstenberg qui a créé l’institution en 1974, comme je le disais. 

  

Elle a travaillé pas mal de fois avec les Nations Unies. Donc elle a commencé déjà avec Daniel Libeskind, qui a créé The Line of Fire. Donc c'est un projet d'architecture qui après a été réalisé comme espace à Berlin parce que maintenant c'est le musée dédié à l'Holocauste, le Musée des Juifs. Et donc c'est une collaboration qu’Adelina von Fürstenberg a gardé aussi pendant les années 90 quand elle a quitté le Centre d'Art Contemporain. Nous, en général... On va parler de ça, j'imagine, pendant notre conversation, on travaille autour des thèmes politiques. Donc voilà, on s'occupe pas mal de cette question. Pas nécessairement avec les Nations Unies, mais on a pas mal collaboré aussi à l'occasion de la présentation de Il Terzo Paradiso, l’oeuvre de Michelangelo Pistoletto, donc voilà c’est un dialogue assez constant qui est une partie de notre activité, qui constitue une partie de notre activité assez importante.

  

  

Kelly Le Normand : Oui, cette œuvre de Pistoletto est devant le Palais des Nations à Genève

  

Andrea Bellini : Oui, tout à fait. Genève est magnifique !

 

Kelly Le Normand : Et elle est trône entre le Palais et le Lac Léman.

 

Andrea Bellini : Tout à fait !

 

Kelly Le Normand : En 1988, il y avait Sculptures des Chambres, qui a été organisée par le Centre d'Art Contemporain et Adelina. Elle a été suivie par une donation en 1989 de 28 œuvres par les artistes qui avait été exposés. Pouvez-vous nous parler un peu de cette exposition ?

 

Andrea Bellini : Voilà encore, il y a cet intérêt d’Adelina von Fürstenberg de créer un dialogue entre les artistes et aussi l'âme de Genève donc cet esprit international. Elle commence à travailler vraiment en essayant de créer un lien assez strict entre la production contemporaine, les artistes et les thèmes importants de la Genève internationale. Cette exposition est tout à fait liée à cet aspect. Et donc voilà. Elle a aussi été capable de donner certaines de ces œuvres aux Nations Unies. C'est l’un des aspects qu’elle a vraiment géré avec attention et avec intérêt.  

 

Kelly Le Normand : C'est vraiment dans les racines de Centre d'Art Contemporain de traiter de ces thématiques liées aux droits d’humain, aux droits de la femme.

 

Andrea Bellini : Oui, tout à fait, parce qu’il faut rappeler aussi qu’Adelina von Fürstenberg, quand elle a quitté le Centre d'Art Contemporain, après, elle a dirigé un espace d'art à Grenoble, Le Magasin, à Grenoble, et après elle a créé Art for the World qui est encore actif aujourd'hui, donc elle s'occupe encore de cette thématique.

Notamment, elle s'est occupée aussi du Pavillon Arménien à la Biennale de Venise où elle a gagné Le Lion d'or. Donc elle a vraiment fait un projet assez pointu, assez intéressant en lien avec la politique à cette occasion. C'est vraiment une direction très importante d’Adelina von Fürstenberg, c'est vraiment cette idée, cette relation très forte entre art et politique, et entre l’art et aussi le changement du monde.

 

Kelly Le Normand : Oui, et justement, pour les 50 ans des Nations Unies, elle a fait l’exposition Dialogues of Peace en 1995. Donc ça montre aussi le lien très fort entre Le Centre d'Art Contemporain et les Nations Unies.

Andrea Bellini: Oui, tout à fait.

Kelly Le Normand: Et selon vous, quel intérêt d'encourager la production d'œuvres qui ont pour thématique, par exemple, les droits humains et quel peut être cet impact sur le public ou la société ?

 

Andrea Bellini : Bon, la culture a été toujours un lieu de partage, depuis toujours. Je suis aussi archéologue préhistorique. Je dois dire que les différents groupes humains ont toujours dialogué, ont toujours partagé des idées, des façons de faire des choses et des techniques. La culture est vraiment, je crois, le milieu ou différentes idées, différentes visions du monde, différentes cultures peuvent vraiment dialoguer et partager des expériences différentes. Et donc, le syncrétisme culturel a vraiment caractérisé l'histoire de l'humanité depuis toujours. Si on pense à la culture de la Mésopotamie, mais aussi au mythe grec et au Parthénon égyptien ou si on pense aussi aux trois grandes religions monothéistes. On voit qu'il y a toujours des éléments qui reviennent dans toutes les cultures.

Ce dialogue a toujours fait partie de l'histoire humaine. Parfois la politique arrive en retard, donc ce dialogue a parfois été interrompu pour des raisons d’égoïsme, de violence, par les guerres, et cetera. Mais ce que je veux dire, ce que, ce syncrétisme culturel, donc cet aspect de vouloir partager des cultures, de l'art, des visions des choses fait partie de l'humanité. Ce n’est pas seulement un aspect pressant. On ne doit pas attendre le 20ème siècle pour comprendre que la culture a toujours agi comme élément de dialogue et qui a toujours eu cette fonction de rapprocher les peuples.  

Et donc, vous le savez mieux que moi, déjà à Genève, pendant les années 1920 il y a une volonté politique d'affirmer ça, de dire que grâce à la culture, on peut vraiment construire un dialogue, un véritable dialogue, entre des peuples différents, des nations différentes, et cetera. Pour moi, c’est importantissime, je crois, le Centre d’Art, ce qu'on fait ici, on pense que la culture peut avoir un rôle majeur dans ce sens. C'est pour cette raison, par exemple, qu’on dédie beaucoup d'activités, beaucoup d’expositions et on produit des œuvres d'art qui ont comme sujet les grands thèmes d’aujourd'hui, par exemple, la question raciale et le féminisme. On pense que vraiment la culture peut changer la sensibilité des gens, et donc amener des changements importants dans le monde aujourd'hui. Je pense, par exemple, à la question de l'Europe. Moi, je suis Italien et Suisse, j'ai la double nationalité. Si on voit ces dernières années, ces nationalismes qui sont revenus, qui ont vraiment commencé à avoir un rôle très important dans les débats politique de différentes nations, ce sont des nationalismes qui sont un petit peu les miroirs d’une attitude, de vouloir, par exemple, considérer l'Europe comme une communauté économique ou financière. Et je pense que le problème, c'est qu’on a pensé toujours à l'Union Européenne comme une union économique ou financière et pas assez comme une union culturelle. Donc je pense, il faut, c’est importantissime de penser que c'est grâce à la culture qu’on peut vraiment construire un véritable dialogue et aussi une communauté, une véritable communauté européenne.

 

Kelly Le Normand : Oui, c'est justement ce qu'on appelle la diplomatie culturelle. En tant qu'institution culturelle, vous jouez un rôle majeur dans le partage de ces valeurs au niveau à la fois Suisse mais au niveau aussi international. On a parlé du rôle de l'art, mais comment est-ce que vous envisagez le rôle du Centre d'Art Contemporain dans la prise de conscience des problématiques de la scène internationale ?

 

Andrea Bellini: Oui, on est un centre d’art et on travaille avec les artistes et parfois les artistes ont la capacité d'anticiper aussi une atmosphère culturelle. Donc, de regarder des problèmes et de commencer à parler de ces problèmes un petit peu parfois en avance. Par exemple, maintenant, on a une exposition d’une artiste italienne qui s'appelle Chiara Fumai. Chiara Fumai est une artiste qui a eu 10 ans de carrière, après elle est décédée très jeune. Donc elle a eu ses 10 ans de carrière entre 2007 et 2017. Il faut dire, qu’elle a fait un travail autour du féminisme assez fort et assez pointu. Elle a commencé à parler presque du féminisme punk, aggressif. Elle a fait un travail dédié que à cet aspect. Il faut dire qu’elle a anticipé ce qu'il s'est passé après parce qu’aujourd’hui, tout le monde se dit féministes, plus ou moins. Même les pires misogynes sont devenus des féministes, parce que vraiment maintenant ça c'est l'actualité importante de la politique. C’est un élément vraiment partagé. C'est presque devenu à la mode de parler de féminisme. Il y a encore beaucoup de travail, je crois, parce que le monde patriarcal encore exerce une pression très forte sur la société, surtout sur les femmes. Il ne faut jamais oublier que les femmes sont victimes de violence encore en Europe, sans même parler du reste du monde ou les femmes subissent des violences atroces. Il a encore beaucoup de travail à faire.  

Il faut dire que, par exemple, cette nouvelle vague de féminisme importantissime qu’aujourd'hui on voit vraiment au niveau de la prise de conscience de la société, et cetera. Toute cette atmosphère a été anticipée, par exemple, par Chiara Fumai. Chiara Fumai, bien sûr, n’a pas été la seule artiste féministe du passé. Je veux dire que quand même en 2007, quand elle a commencé à faire ce travail très pointu autour du féminisme, il n’y avait pas vraiment dans le monde de l'art, mais aussi en général dans la société, on ne parlait pas trop des femmes, pas trop des droits des femmes. Voilà, ça, c'est une chose qui a été forte pendant les années 1970. Mais après il faut dire qu’on avait un petit peu perdu cette passion pour les droits des femmes, pour la lutte pour les droits des femmes, et cetera. Et Chiara Fumai, en 2007, a commencé à faire un travail dédié à ça, un travail très intéressant et donc elle est morte en 2017. Et après il faut dire que pendant les derniers deux ou trois ans, toutes ces questions ont commencé à prendre une nouvelle ampleur. C'est pour ça que je pense qu’elle est une artiste très importante parce que quand un artiste est capable de vraiment anticiper une atmosphère, je pense, c'est un artiste qui est capable de parler aussi du futur, qui exprime une sensibilité. C’est pour toutes ces raisons qu’on essaie de travailler avec des artistes qui s’occupent de ce qu’il se passe aujourd’hui, qui reflètent une sensibilité et parfois qui anticipent une sensibilité. Et on a fait ça avec vraiment beaucoup d'artistes qui ont travaillé au Centre d'Art Contemporain. Par exemple, notamment, pour la question de #metoo qui a commencé en 2017, donc cette nouvelle bataille des femmes justissime, donc nous on est à côté de cette bataille, a commencé en 2017. Mais il faut dire que nous déjà, avec la Biennale de l'image en Mouvement, en 2016, on a fait une exposition, où il y avait 70 pourcent de femmes, d'artistes femmes. Par exemple, en 2016, on a fait une programmation où on avait, en général, 70% de femmes qui ont fait des expositions ici, donc on a vraiment essayé de démontrer une sensibilité, une attention pour thème et, je pense, ça c'est le rôle de la culture.

Une institution culturelle, une institution d'art contemporain ce n'est pas une institution qui montre des petit objets qui doivent être collectionnés par des riches et donc être gardés dans leur maison, dans leur propriété, et cetera.  Une institution culturelle est une association éthique, morale et donc une institution culturelle qui est dédiée à l'art contemporain, je crois, doit participer à la transformation culturelle du monde. Je pense que le Centre d'Art Contemporain à Genève a un rôle très important à jouer maintenant parce que ça c'est une période très compliquée avec la pandémie, avec mille problèmes. Mais je pense, c'est une période très intéressante du point de vue de l'histoire de l'humanité, mais aussi de l'histoire de l'Occident en général parce que c’est un moment de prise de conscience qu'il existe des minorités, qu'il existe des gens qui ont besoin d'avoir plus d'espace, plus d'attention, qui ont le droit de parler, de participer -- pas simplement à ce qui se passe dans le monde de l’art, mais à participer vraiment au niveau de la politique, socialement, etc, de participer à la transformation du monde contemporain. C'est pour cette raison qu'on a eu pas mal d'expositions où on a travaillé avec des artistes qui s’occupent de la question raciale. Par exemple, avant les dernières manifestations anti-racistes et anti-suprématistes qui sont arrivées aux États-Unis. On a vraiment travaillé, par exemple, avec des artistes comme Hannah Black, qui est un écrivain et une artiste très intéressante. Elle travaille exactement sur ça, sur la question raciale et sur la question du féminisme, et cetera.  

C'est un moment très important au niveau mondial parce qu’il y a comme la sensation qu’une époque est en train de se terminer, donc on est maintenant dans la phase de construction d'une nouvelle histoire et aussi une nouvelle image du monde. Et cette image doit être une image plus inclusive - pas simplement plus inclusive, mais c’est une image du monde où les femmes et les gens de couleur participent au système de pouvoir aussi et commencent à participer à la politique et à prendre des décisions tous ensemble. Donc là, notre sensation, c'est que ce système patriarcal, de l'homme blanc qui a géré le pouvoir, qui a géré la politique, qui a géré l'économie pendant toute l'histoire de l'humanité est en train maintenant de se vaporiser. On espère que ce système de violence patriarcale est en train d'être supprimé.

Nous, on fait un travail qui est dédié aussi à tout ça. On veut participer à ce débat culturel, grâce à l’art et l’art peut avoir un rôle importantissime de ce point de vue-là. Parce qu’il peut anticiper pas simplement des débats comme il l'a fait. Il peut vraiment aussi dialoguer avec les gens parce que l'art contemporain a été quelque chose qui était lié à une idée d'élite. C'était donc une petite élite de la société qui s'occupait de l'art contemporain et par contre aujourd'hui, on doit dire que l'art contemporain est devenu assez mainstream. L'art commence à s'ouvrir à la société. On a de plus en plus d'intérêt de la part de la société vers l'art, qui n'est pas l'intérêt du collectionnisme, donc d’acheter des objets, et cetera - ce n’est pas tellement intéressant. C'est un intérêt vraiment vers les thèmes, vers le langage de l'art contemporain qui est important, donc on a un rôle à jouer avec les écoles, par exemple, les écoles primaires. Mais on a un rôle à jouer en général dans la société.

C'est pour ça que ce travail nous passionne, parce qu’on ne s'occupe pas de l'idée du collectionnisme, c'est pas notre problème qu'il y a des objets qui peuvent être collectionnées par des gens riches et donc il faut constituer des collections privées, et cetera, ça c'est plutôt le passé. On pense que l'art c'est une partie importante de la culture d'aujourd'hui peuvent participer à la transformation du monde et donc aussi à la transformation des consciences et c'est pour ça qu'on travaille dans cette direction.

 

Kelly Le Normand : Le public aussi au Centre d'Art Contemporain est assez jeune, il y a beaucoup de jeunes qui viennent voir vos expositions.

 

Andrea Bellini : Oui, tout à fait. On a beaucoup de gens qui viennent voir nos expositions est que viennent voir nos expositions, parce qu’ils voient que nous sommes ouverts à des thèmes importants qui peut-être les touchent. Par exemple, on fait pas mal de travail – on commissionne des œuvres d'art sur la question du genre. Une des transformations très importante d’aujourd’hui, c'est aussi l'idée qu’il faut se séparer de cette idée de monde binaire, très normatif, ou il n’y a que l'homme et la femme qui se marient, qui constituent une famille, et cetera. Ça, c'est une vision assez restreinte de l'humanité. Il n'y a pas que l'homme et la femme, il y a des points des vues sexuels plus intéressants et plus compliqués, dans le sens que toutes les questions de transgenres, par exemple, sont liés à cette idée que on ne peut pas penser au monde d'une façon binaire. Donc aussi la sexualité est une sexualité plus complexe. Aussi que les droits politiques et sociaux, il ne faut pas les donner que à l'homme et à la femme comme s’il existe un monde binaire. Mais il y a tout l'aspect très important des droits des homosexuels, des droits des transgenres, par exemple, donc des individus qui ne se reconnaissent pas ni dans le sexe des hommes, ni dans le sexe des femmes et donc il faut développer une sensibilité langagière vers une partie importante de l’humanité qui maintenant commence à vraiment, depuis longtemps maintenant, ça devient de plus en plus important. On commence à réclamer des droits de plus en plus importants. Et donc nous on pense que comme centre d'art, on doit s'occuper aussi de ça. On travaille avec des artistes qui sont assez sensibles à ce thème et c'est pour cette raison, peut-être, qu’on a un public très jeune. On a un public de jeunes qui ont 18 ans, 20 ans, 22 ans, qui viennent ici, qui viennent voir des oeuvres d'art et qui viennent découvrir, entrer en contact avec une sensibilité différente de la sensibilité un petit peu normative et simplifié que parfois ils rencontrent dans leur famille, à l'école, et cetera. Donc je pense que c'est notre rôle de représenter une avant-garde, pas simplement du point de vue du langage artistique, mais une avant-garde de la sensibilité humaine. Parce que c'est grâce à cette sensibilité vers les autres qu’on peut vraiment construire un monde meilleur et donc on peut bâtir une société plus juste, aussi.

 

Kelly Le Normand : On a beaucoup parlé du rôle de l'art et maintenant on peut parler un peu plus de vous. Vous incarnez l'archétype du Genevois qui baigne dans un univers multiculturel. De quelle manière est-ce que vos origines et votre parcours influencent-t-il votre pratique ?

 

Andrea Bellini : Oui, moi donc, j'ai même pris la nationalité suisse parce que la grand-mère de ma femme est Suissesse. Donc je suis un italien qui a étudié la philosophie, qui après a vécu à New York, qui après a vécu Turin et maintenant à Genève. J'ai ici ma famille et je pense que j'ai eu le privilège de pouvoir voyager, de pouvoir étudier aussi de l'art et de la philosophie et donc de rentrer en contact avec des cultures différentes. Et Genève heureusement c'est une ville vraiment internationale. Cette ouverture culturelle et politique est très importante pour moi, comme directeur du Centre d'Art Contemporain, donc je dois dire que ce point-là, c'est très important pour moi de pouvoir travailler à Genève parce que c'est une ville très internationale et c’est une ville très intéressante de ce point de vue-là.

Après, il y a des problèmes parce que les différentes communautés genevoises ne sont nécessairement en dialogue. Il y a la Genève de la politique, la Genève scientifique. Du CERN, et cetera, la Genève de la culture, de la musique qui ne sont pas nécessairement liées. On essaie de faire un effort de dialoguer avec les différents groupes de la ville et on fait des expositions comme, par exemple Lemaniana, la prochaine exposition qui va ouvrir le 23 mars. C'est une exposition qu'on a dédiée à toute la région de l’arc Lémanique, pas simplement la Suisse, mais aussi la partie française qui est à côté de l’arc Lémanique.  

Avec Lemaniana, par exemple, on a un groupe d'artistes, 56 artistes qui appartiennent à 16 nationalités différentes. Ce sont des artistes qui vivent ici et qui appartiennent à 16 nationalités différentes. Et ça c'est vraiment depuis - peut-être - toujours cette ADN de Genève donc c'est une idée que c'est vraiment une ville très internationale. Et ça c’est très important parce que c'est aussi un exemple de comment on peut vivre ensemble avec des cultures différentes, dans le respect des règles, dans le respect réciproque. Et nous, au Centre d'Art Contemporain, on pense que ce syncrétisme, cette Genève comme lieu de rencontre, d’expérimence sociale aussi est très intéressante. D’un point de vue artistique, c'est une énorme richesse, c'est pour cette raison qu’on fait beaucoup attention à exposer les artistes femmes, mais aussi les artistes de couleur, les artistes qui viennent du monde entier. A Lemaniana, on a des artistes qui viennent d'Afrique, du Rwanda, de Madagascar, mais aussi de l'Égypte, de la République du Congo. On a aussi des artistes qui viennent de l'Amazonie brésilienne. C'est extraordinaire de voir à quel niveau cette région peut être vraiment l'expression de la complexité géographique et culturelle. Pour nous, c'est vraiment une sorte de mission, l'idée de favoriser ces rencontres de différentes cultures. C'est assez étonnant de voir des expositions qui sont dédiées qu’à la région de Genève, la région Lémanique, et de voir vraiment des artistes, des jeunes artistes qui viennent du monde entier, qui partagent leur culture, donc ils dialoguent ensemble. Et ça, pour nous c'est une richesse, c'est assez important. Avec convinssions, on continue autour de ce travail de dialogue, de rencontres culturelles.

 

Kelly Le Normand : Et donc vous avez vécu à New York et à Genève, qu'ils sont deux centres importants de la diplomatie multilatérale et deux villes très cosmopolites. Mais elles sont en même temps aussi très différentes. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre expérience dans chacune des villes ? Et en quoi ça vous a influencé ?

 

Andrea Bellini : Oui, donc New York et Genève, franchement, ils sont même pas comparables dans le sens qu’on parle de choses très différentes. New York a été, et est encore j'imagine, peut-être, le centre du monde. Je pense à New York, je pense à ce qu’a été Rome, en Italie - la capitale de l'empire Romain il y a 2000 ans, aussi il y avait Venise dans le 16e-17e siècle, c'était vraiment des capitales mondiales et c'était aussi des capitales économiques. C'est une ville énorme. La population de New York est énorme, même pas toute la Suisse, c'est la population de New York. Donc, il y a plus des gens qui vivre New York que des gens qui vivent en Suisse en général, donc il y a déjà une différence de taille, ça c'est évident. Donc à tous les niveaux, New York est différente de Genève, du point de vue aussi culturel, religieux, et cetera. Mais la chose qu’on peut dire d'une certaine façon pour créer une sorte de parallèle entre les deux villes, c'est cette idée que ce sont deux villes internationales. Genève, même si c'est tout petit, et cetera, c'est une ville qui a aussi accueilli des gens qui viennent du monde entier, donc c'est une ville cosmopolite comme vous dites. Et c'est surtout une ville qui a décidé d'ouvrir ses portrs à des organisations mondiales très importantes, donc notamment les Nations Unies, mais pas seulement les Nations Unies. De ce point de vue-là, ce sont des villes qui ont cet esprit cosmopolite assez proche. Après, ce sont aussi des villes très différentes. Pour moi, ça a été très intéressant du point de vue humain de vivre à New York et aussi à Genève, de faire l'expérience de cette diversité aussi, parce que comme individu, quand on grandit, on se transforme, donc on devient différent et on prend plein de choses différentes aussi des différentes villes où on habite.

Pour moi, c'était très intéressant, très instructif de vivre ici à Genève, d’ailleurs ma famille est ici, mes enfants sont en train de grandir ici, et donc voilà, je dois dire, je n’ai jamais eu ici un sentiment de claustrophobie, je ne me suis jamais senti enfermé. Je pense qu’on peut contribuer au dialogue culturel, à la transformation du monde partout. Maintenant, c'est Genève ma ville, donc c'est ici je m'engage avec mon travail culturel. Pour le moment, c'est ici que je vivre, c'est ici que je veux rester.

 

Kelly Le Normand : Vous collaborez aussi régulièrement avec la ville de Genève pour des projets. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de ça et comment ces projets s'inscrivent dans l'idée de la Genève internationale ?

 

Andrea Bellini : Oui, on travaille, par exemple, avec la ville de Genève, on organise l'exposition des Bourses, une exposition dédiée à des jeunes artistes qui vivent ici. On fait l'expo et après il y a un jury qui décide les gagnants, et donc il y a un prix en argent. C'est une dynamique, c'est assez intéressant parce que la ville s'engage à soutenir aussi la scène locale avec de l'argent. Vous savez, c'est très compliqué la vie économique des jeunes artistes, surtout pendant la pandémie. Là, je dois dire que la ville vraiment s'engage à soutenir la scène. Et nous on fait pareil, donc là, c'est un exemple de collaboration. La ville organise les Bourses et l'exposition est faite ici au Centre d'Art Contemporain. Notre équipe installe l'exposition. On travaille avec la ville et ça on le fait, vraiment, depuis 20 ans. C'est vraiment une longue collaboration, mais après, le dialogue est constant à plusieurs niveaux. Le travail qu’on fait est aussi dédié à la scène locale, à de jeunes artistes, et cetera, on essaie de faire un travail en synergie avec la ville, mais avec aussi l'école d'art, la HEAD, et les autres institutions de la ville de Genève. 

 

Kelly Le Norman : Et vous pourriez nous parler aussi du projet Mire dans vous présidez le comité d’organisation.

Andrea Bellini : Oui donc le projet Mire comme vous le savez, il s'agit de cinq gares qui ont été créées par Jean Nouvel, qui ont été construites ici à Genève. Elles font partie du projet Léman Express. Il y avait la volonté de créer des œuvres d'art public dans les gares du Léman Express et avec les Cantons on a commencé à parler de ça. Moi, j'ai dit que plutôt que de mettre des sculptures ou des peintures plus ou moins pérennes dans les gares, j'ai pensé que peut-être ça pouvait être plus intéressant et plus contemporain d'imaginer la présence d'œuvres d'art, oui, mais liées à l'image en mouvement.

Parce qu’on trouve que l'image en mouvement – d'ailleurs, on organise l


 Add a Comment

0 Comments.

  Return to Blog
This post is closed for further discussion.